Voici le dernier article de cette mini série sur les relations humaines.
La semaine dernière je vous ai proposé l’idée selon laquelle l’autre nous traite au fond, de la manière dont nous lui avons appris, c’est à dire de la manière dont nous nous traitons nous-même. En ne prenant pas soin de nous, en n’écoutant pas nos besoins, en ne respectant pas nos propres limites.
Je trouve le sujet des limites vraiment intéressant et c'est ce dont je vous parle aujourd'hui.
Nous "devons" poser une limites lorsqu’il y a eu violation de notre espace et par espace j’entends : espace physique (corporel, propriété, maison, etc.), espace émotionnel. Si quelqu’un.e a pénétré notre espace sans permission, alors oui, nous pouvons poser une limite.
Souvent, lorsque nous ressentons une « attaque » ou quelque chose que nous ne souhaitons pas, lorsque quelqu’un.e fait quelque chose avec lequel nous ne sommes pas d’accord, nous nous disons que nous devons poser une limite. Mais il ne s’agit pas forcément de ça.
Poser une limite implique donc une violation de notre espace et nous implique nous, pas la personne qui a été intrusif.ve.
Quand nous posons une limite, c’est à nous d'agir, pas à l’autre. Car souvenons-nous, nous ne pouvons pas empêcher quelqu’un de se comporter comme il souhaite se comporter, la seule personne que nous pouvons contrôler est nous-même.
Poser une limite se fait donc selon un processus particulier. Il s’agit d’avertir la personne que son geste ne nous convient pas et lui signifier que si elle continue, nous prendrons une mesure pour ne plus subir les conséquences de ce geste. Et l’essentiel du processus est d’effectuer cette mesure dont nous lui parlons ! De remplir l’engagement que nous prenons avec nous même devant elle.
Nous ne lui demandons pas d’arrêter de se comporter comme elle a envie de se comporter, nous n’avons pas ce pouvoir. Libre à elle d’agir comme bon lui semble. En revanche, rien ne nous oblige à accepter son comportement ou les conséquences de son comportement dans nos vies si cela ne nous convient pas.
C’est très différents d’obliger une personne à se comporter de la manière dont nous pensons qu’elle doit se comporter, en laissant notre côté dictateur prendre le dessus.
Prenons quelques exemples :
Une personne m’envoie des textos dont le contenu m’agace passablement...En réalité, ce n’est pas le contenu qui m’agace, c’est la signification que je donne à ce contenu ; la petite phrase que je me raconte, ma pensée au sujet de ce contenu neutre qui créée une émotion d’agacement. La personne n’a rien à voir là dedans, je ne peux rien lui demander. Elle a exactement le droit de penser ce qu’elle veut, et me l’envoyer par texto si elle en a envie. Je ne suis, de mon côté, pas obligée de lire ses textos. Dans ce cas là, je n’ai pas à poser de limites : la personne ne viole pas mon espace.
Une amie passe me voir tous les dimanches à 17h...et moi, le dimanche à 17h, j’ai juste envie d’être seule, disons que c’est le moment où je médite dans mon bain. La présence de mon amie viole l’espace physique dans lequel j’ai besoin d’être seule pour me sentir bien émotionnellement. Je peux essayer de dire à mon amie que cette heure de m’arrange pas et lui proposer un autre moment, elle peut m’entendre, ou pas. Si elle continue à venir frapper à ma porte tous les dimanches à 17h, je peux lui dire :" Je ne souhaite pas que tu viennes tous les dimanches à 17h, je préférerai qu’on se voit à un autre moment. Si tu continues à venir, je ne t’ouvrirai plus."
Et là, si mon amie revient dimanche prochain frapper à ma porte à 17h, je ne lui ouvre pas.
Elle fait ce qu’elle veut, je fais ce que je me suis engagée à faire.
Et si j’ouvre, je ne respecte pas l’engagement que j’ai pris avec moi-même d’une part, d’autre part j’apprends à mon amie que ma parole n’a pas de valeur puisque je ne la respecte pas moi-même.
Si nous ne respectons pas nous-même notre parole, alors nous ne pouvons pas demander aux autres de la respecter.
Poser une limite, ce n’est pas seulement dire non. C’est dire non et assumez les conséquences de ce non. C’est nous soutenir nous-même dans ce processus. C’est reprendre le contrôle de la situation. C’est sortir de notre rôle de victime.
Si mon supérieur hiérarchique me convoque tous les jours pour une réunion à 17h, au moment où je dois partir pour être à l’heure pour mes enfants, et que tous les jours je lui dit que je n’ai pas le temps de rester mais que je fini par rester : je ne pose aucune limite, je ne me respecte pas et j’apprends à mon supérieur à ne pas me respecter. Si en revanche je lui dit : « Je t’ai déjà dit que je ne pouvais pas venir à ces réunions à 17h, si tu continues à me convoquer à cette heure-ci, je ne viendrai pas » je l’informe de ma limite...et je ne réponds pas à ces convocations à 17h ! Je pars pour être à l’heure pour mes enfants.
Souvent nous avons du mal à poser des limites parce que nous nous racontons des histoires sur ce que cela signifie. Nous pensons que les personnes penserons des choses très négatives à propos de nous. Par exemple, je pourrais penser que mon amie me trouvera très égoïste si je ne lui ouvre plus lorsqu’elle vient le dimanche. Je pourrais penser que mon supérieur pensera que je ne suis pas professionnelle si je ne vais plus aux réunions de 17h, ou que je suis fainéante…
Mais tout ça se joue dans notre tête, tout ça sont nos pensées.
Car en réalité, quelle version de moi-même suis-je pour mon amie qui vient le dimanche au moment où je veux méditer dans mon bain ? Suis-je accueillante et à l’écoute ou est-ce que je suis tendue et regarde ma montre en espérant qu’elle parte rapidement ?
Quelle collègue suis-je si je vais à cette réunion pleine de ressentiment envers mon supérieur, en étant persuadée qu’il le fait exprès ? Est-ce que je vais être efficace et dans la collaboration ? Ou est-ce que je vais ruminer que du coup je vais tomber dans les embouteillages et ne serait jamais à l’heure à l’école et que toute la soirée sera foutue ?
Dans ces 2 exemples, suis-je la personne que j’ai envie d’être ? Est-ce que j’offre à l’autre et au monde le meilleur de moi-même ?
Si nous acceptons une situation et que nous la vivons en ressentant des émotions telles que le ressentiment, la frustration, l’envie d’être ailleurs : nous ne sommes de toute manière pas dans le moment présent, nous ne sommes pas à l’écoute de notre interlocuteur, ni présent pour lui, nous ne lui donnons pas le meilleur de nous même. Ainsi, nous n’osons pas poser une limite par peur de sa réaction, mais nous ne prenons pas non plus notre vraie place dans l’interaction.
Alors qu’avons-nous à perdre ? Rien...au pire, un moment d’étonnement de la part de notre interlocuteur...ensuite, c’est à lui à gérer ses pensées.
Qu’avons-nous à gagner : tout. Le fait de prendre en considération nos besoins et d’y répondre nous-même, de rester dans votre propre équipe, de montrer au monde exactement la personne que nous avons envie d’être.
Et vous, avez-vous déjà eu besoin de poser des limites ? Dans quelles circonstances ?
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